jeudi 27 novembre 2008

Les petits géants de la BDQ et les étranges créatures du Mile-End

Jimmy Beaulieu est (je crois) l'architecte de la collection Colosse, des petits ouvrages tout à fait sympathiques et qui, par leur édition très maison de feuilles pliées et brochées, font penser à la vague du DIY des années 80. Ceux et celles qui aiment les beaux livres seront déçus, mais il ne faut pas juger un livre par sa couverture, d'après ce qu'on dit dans les pages roses. On annonce toutefois que les prochains Colosse seront reliés par des Allemands (?).

Les Colosse que je possède ne sont pas nécessairement très narratifs, ce qui peut irriter les gens comme moi qui préfèrent le récit au recueil d'illustrations, mais ça vaut quand même la peine d'y jeter un coup d'oeil.

Je vous en parle parce que quatre nouveaux colosses vont être lancés prochainement, et seront tous disponible au prochain Expozine de Montréal. Si vous ne connaissez pas Expozine, c'est bien dommage et vous pourrez bientôt corriger la situation, puisque la prochaine édition aura lieu dans pas long. Voici les infos officielles:

Expozine aura lieu samedi et dimanche, 29 et 30 novembre 2008, de 12h à 18h, au 5035, rue Saint-Dominique [carte] (Église Saint-Enfant Jésus, entre Laurier et Saint-Joseph, près du métro Laurier). Entrée gratuite.

There you go. C'est une belle occasion de découvrir des artistes locaux qui font du bon et très beau travail. je préfère vous avertir, Expozine est peuplé d'étranges créatures du Mile-End qui ont tous un air blasé style "Emo sans make-up" et qui s'habillent avec un mauvais goût prononcé, spectaculaire et parfois offensant. C'est à croire qu'ils le font par exprès Il faut vraiment faire un gros effort pour s'habiller aussi mal, je suis partagé entre l'envie de les féliciter pour le look particulièrement horrible qu'ils présent à chaque sortie et la tentation irrépressible de leur vomir dessus. En fait plus j'y pense et plus les hipsters ressemblent à Paris Hilton.

Vous voulez en savoir plus sur les prochains Colosse? Allez sur leur blogue, il est dans mes liens.

Vous voulez en savoir plus sur la population du Mile-End? Bonne chance, je vous aurai prévenu

jeudi 20 novembre 2008

The irony of it all

J'ai sorti de mon armoire ma vieille imprimante, vide d'encre mais qui scanne pas trop mal, ce qui va faire en sorte que mon choix d'images (et de billets subséquents) ne se limitera plus à la galerie Google Images.

(NDLR : J'ai écrit "armoire" plutôt que "garde-robe", parce que j'ai aucune robe dans mon armoire, d'ailleurs si j'en avais elle essaieraient probablement pas de se sauver alors je les garderais pas à l'abri, non mais des fois quand même).

Pour inaugurer une nouvelle ère de numérisation, je vous fais partager deux planches très dépouillées, gracieuseté de Kevin Huizenga, qui ont tapissé la porte d'entrée de ma chambre pendant la première année de ma vie en appartement. Elle ne constituent certes pas le point culminant dans la carrière de Huizenga et ne mériteraient pas que j'en fasse un tel cas, si ce n'est de leur délicieuse candeur, de leur modestie et surtout, de leur position idéologique prônant l'humilité et le cynisme.


Même sans le contexte préalable du récit, ces deux planches gardent toute leur résonnance. Oui, on pourrait penser que Huizenga y dénonce une certaine hypocrisie (tapisser son fond d'écran
par un beau paysage bucolique a effectivement quelque chose de confondant). Je crois plutôt que cette observation amusante rejoint les impulsions créatives de Huizenga, soit de déceler dans l'ordinaire ce qui permet d'y dévoiler les aspects contradictoires de la nature humaine.

Devant une telle démonstration, soulève son lot de réflexions, la conclusion pourrait laisser pexplexe: est-ce que l'humain ne fait pas ce qu'il dit, est-ce que malgré ses bonnes intentions, l'humain ne cannibalisera-t-il pas la planète jusqu'à plus soif? La réponse de Huizenga est qu'il est un peu présomptueux d'apporter des réponses à ces questions; dans le moment, et pour le mieux, me permets-je d'ajouter, vaut mieux en rire.

(c'est pas pour rien que ça s'appelle des comics!)

samedi 1 novembre 2008

Quand un fanboy fait un essai historique



Hier soir, j'ai fini de lire un essai sur la bande dessinée aux États-Unis (Comix, A History of Comic Books in America, par Les Daniels) qui m'a assez amusé. Le type a écrit son bouquin en 1971, soit environ en plein milieu de la grande époque du Comix Underground, et bien avant l'avènement du graphic novel. En fait, l'essai est composé de chapitres de huit pages sur plusieurs périodes historiques (comic strips, premiers comic books, la révolution E.C., la révolution Marvel, etc.) accompagnés de plusieurs pages reproduisant certaines des séries que l'auteur évoque (malheureusement, la qualité de reproduction est si médiocre que la lecture de ces archives est pénible et j'ai sauté par-dessus ces sections).

Ce qui est intéressant de cet essai, du point de vue d'un chercheur, amateur et lecteur de plusieurs essais historiques sur la BD, est le regard particulier que l'auteur porte sur les différentes séries de BD en tenant compte de l'époque où il a écrit son bouquin. Dans la section sur les comic strips, Daniels fait grand cas de séries qui sont maintenant tombées dans l'oubli, et fait l'apologie de strips comme Terry and the Pirates par Milton Caniff, qui était certes superbement dessinée mais un peu pauvre d'un point de vue littéraire, alors qu'il fait une mention presque expéditive de Windson McKay, créateur de Little Nemo et probablement l'un des bédéistes les plus créatifs et innovateurs de l'histoire (ses mises en page éclatées ont fait école), et accorde une rapide mention à George Herriman, créateur de Krazy Kat, un strip que les surréalistes européens lisaient avec dévotion et la première bande dessinée à avoir été célébrée et étudiée à l'université pour ses qualités artistiques plutôt que pour sa signification dans la production culturelle.

On peut aussi constater l'enthousiasme de Daniels pour l'époque EC Comics, qu'il qualifie d'âge d'or de la BD américaine. Pour votre information, EC comics, c'est The Crypt of horror, The Vault of Terror, et d'autres titres qui suggèrent éloquemment que l'horreur, la fantaisie et le gore étaient à l'honneur chez cet éditeur (voir image plus bas). Je veux bien que des dessinateurs exceptionnels ont travaillé pour EC, mais la qualité d'impression était médiocre, ce qui abîme considérablement les yeux des lecteurs contemporains qui cherchent en vain à comprendre en quoi EC serait de la bonne BD, et il y a aussi cette détestable propension à employer un lettrage mécanique qui gâche mon plaisir de lecture. Je partage l'opinion de Will Eisner, qui écrit dans Comics and Sequential Art : "typesetting does have a kind of inherent authority but it has a 'mechanical' effect that intrudes on the personality of free-hand art" (p.27). C'est vrai qu'il faut dire à la décharge de Daniels qu'il n'avait pas encore à cette époque de grande bande dessinée à se mettre sous la dent, ce qui peut expliquer pourquoi il apprécie autant les EC comics.

Par contre, ce qui ressort le plus de l'essai de Daniels, c'est qu'il est un fanboy. Un fanboy, c'est un amateur invétéré de comics de super-héros, qui connaît par coeur les rencontres entre différents personnages, qui parle avec une certaine affection de Hulk et qui déteste des supervilains avec la même intensité que certains abhorrent des politiciens. Daniels a une bonne plume et est très articulé, ce qui provoque un effet comique délicieux quand il décrit, dans une envolée lyrique, la profondeur psychologique de certaines séries de Marvel. On ne parle quand même pas de Joyce!

Je vous cite un passage qui m'a vraiment fait rire: dans les années 70, Marvel publiait deux titres très différents: d'un côté, le héros Nick Fury était un soldat implacable et brutal, et de l'autre, le magicien Doctor Strange faisait plein de choses bizarres avec ses pouvoirs (vraiment, il avait l'air gelé sur le peyote). Voici ce que Daniels a à dire sur ces deux séries:

"The appearance of Nick Fury in Strange Tales put him side by side with Dr.Strange. There was virtually no similarity between the two features; in fact the implied political premises of the two strips could not have been more different. Stoned hippies who grooved with Dr. Strange (he lived in Greenwich Village) might have been appaled with the violence of Nick fury. Presumably the red-blooded kids who dug Nick Fury found Dr. Strange a trifle gay."

Bref, une lecture plus intéressante qu'instructive. J'en apprendrai davantage ailleurs, mais les essai des fanboys sont plus rigolos!