samedi 10 janvier 2009

Arrivage



Deux bonnes choses se sont produites pour moi, une qui ajoutera un peu de poids à ma réflexion et l'autre qui pourrait ajouter beaucoup de poids aux rangées de mes bibliothèques.

Première chose: j'ai finalement reçu Contre la bande dessinée, de Jochen Gerner. C'est un truc assez étrange publié chez L'association. Un espèce de montage de petits dessins et de citations, autour du thème de la BD, évidemment. Je ne me rappelle plus du tout d'où je tiens mon appréciation pour Gerner, mais le bouquin a l'air chouette, et ça devrait alimenter mes réflexions sur les liens entre texte et image, question qui deviendra très importante dans ma vie plus tard, soit quand j'y consacrerai le temps nécessaire à la rédaction d'une thèse.

(petite parenthèse: un pote m'a bien fait rire l'autre jour, en lancant l'affirmation suivante: "Ils donnent des doctorats à n'importe qui aujourd'hui. Faut juste se présenter au rendez-vous qu'ils te donnent, parler pendant 30 minutes à quatre personnes, et ne pas pleurer. Bon, pour avoir le rendez-vous, faut avoir écrit 400 pages sur un sujet quelconque, mais après ça c'est dans la poche.")

J'attendais depuis tellement longtemps le bouquin que je ne l'attendais plus. Ça fait sérieusement 6 mois que je l'ai commandé. C'est comme ça quand tu fais venir un livre des Europes. Je me rappelle la première fois où j'ai voulu faire venir un livre de France, après avoir demandé à quel genre de délai je devais m'attendre, le commis m'a répondu

-Entre trois semaines et six mois...
-...Quoi?
-Oui, ça dépend si ils vont avoir le temps de le mettre dans le prochain bateau.

Et il était sérieux!

Deuxième chose: je semble finalement avoir été placé sur la liste de presse de Drawn and Quarterly, suite à mes multiples demandes auprès de la responsable des relations médias de cet excellent éditeur montréalais. Bon, ma première BD reçue en provenance d'eux est la traduction en anglais de Nicolas de Pascal Girard, qui est vraiment bon mais que j'ai déjà en français. La différence entre les deux éditions, outre la langue, est que la couverture du Nicolas de D+Q est brune. That's it. Je vous mentionne quand même que le lancement aura lieu le 20 janvier à la librairie D+Q, située au 221 Bernand Ouest dans le mile-end, avec les gens qui puent parfois. C'est peut-être 211 Bernand, mais anyways ça fait une différence de 15 pas dans un sens ou l'autre.

La bonne nouvelle, c'est que je pourrais me mettre à recevoir les nouveautés de D+Q, ce qui me sauverait beaucoup d'argent puisque j'achète presque toutes leurs parutions... Reste à voir où je vais les placer dans ma chambre...

vendredi 2 janvier 2009

Quis custodiet ipsos custodes

J'ai fini il y a environ une heure de lire, pour une deuxième fois seulement, Watchmen, qui va être disséqué par mes soins dans les prochains mois, occupera une partie important de mon mémoire de maîtrise, et qui est possiblement la meilleure bande dessinée de tous les temps (ou en tout cas dans le top 5, peu importe mes humeurs du jour).

Watchmen, c'est la bande dessinée de-super-héros-qui-n'est-pas-vraiment-une-bande-dessinée-de-super-héros, le roman-graphique-qui-a-pas-porté-ce-nom-là-en-partant-mais-qui-est-devenu-le-roman-graphique-le-plus-important.
C'est la BD qui a mérité un prix de littérature (le Hugo) avant même que Maus soit nominé pour un Pulitzer. Et, au risque de me répéter, c'est la meilleure bande dessinée de tous les temps.

Quand des gens non-initiés au 9e art me demandent des suggestions de BD (ce qui arrive très souvent), je commence généralement par des trucs plus mainstream et récents: Shenzen et Pyongyang de Guy Delisle, City of Glass (parce que glisser le nom de Paul Auster dans une phrase, ça en jette...) Quelques Pelures de Jimmy Beaulieu, du Dan Clowes, Blankets de Craig Thompson, du Tomine aussi. J'ai déjà dit à quelqu'un de lire Persépolis, mais je le regrette. mais je ne suggère jamais ce qui sont pourtant deux de mes BD préférées, soit Jimmy Corrigan et Watchmen.

Jimmy Corrigan, quiconque l'a lu (ou s'est essayé) sait que c'est une lecture très exigeante, et complètement décourageante pour les débutants. En plus, faut vraiment accepter de s'arracher les yeux pour en venir à bout. Ou s'acheter une loupe.

Dans le cas de Watchmen, c'est que c'est un peu plus gênant d'en parler en public... Déjà que je dois affronter le scepticisme des gens à qui j'apprends que je fais une maîtrise en études littéraires sur la BD, leur dire d'aller lire une BD avec des personnages costumés, disons que ça n'aiderait pas mes chances d'être convaincant... Le dessinateur, Dave Gibbons, fait du bon boulot, mais dessine comme un dessinateur de comicbooks de super-héros, ce qui est parfaitement logique et conséquent avec Watchmen. Quand on le feuillette, Watchmen ne semble pas se distinguer de n'importe quel X-Men ou She-Hulk.

Mais Watchmen n'est pas que pour les fanboys. Il est évident que les lecteurs ayant déjà trempé dans les univers de super-héros pourront mieux comprendre les allusions aux univers de Marvel et DC, mais même quelqu'un qui ne sait pas comment Spider-Man a obtenu ses super-pouvoirs et qui persévère jusqu'au 3e chapitre de Watchmen comprend rapidement que nous sommes loin de l'univers manichéen et boniche des aventures pour enfants. Watchmen déconstruit la figure du super-héros plus savamment et finement que ne l'a fait Frank Miller en faisant de Batman un psychopathe sadique et fasciste dans The Dark Knight Returns.

En fait, Watchmen propose une lecture tellement riche que je vais en traiter dans trois communications différentes d'ici le mois de juin: à l'aune de l'utopie, de la figure du livre et de la violence. Et il en resterait encore beaucoup à dire.

En terminant, la citation en latin qui fait office de titre à mon blogue est celle qui se trouvait en épigraphe de la Commission Tower de 1987, qui a essayé de tirer au clair l'affaire Contra dans laquelle Ronald Reagan a trempé. Elle est reprise en excipit de Watchmen, et fournit elle-même une des questions fondamentales posées par l'ouvrage, qui déborde les limites de l'univers créé par Alan Moore et Dave Gibbons, à laquelle nous devrions essayer de répondre plus souvent:

WHO WATCHES THE WATCHMEN?

(avant que vous ne me le demandiez, je suis plus convaincu du fait que l'adaptation de Watchmen en film faite par Zack Snyder, le réalisateur de 300 - quel défi! - sera LA PIRE ADAPTATION DE L'HISTOIRE DE L'HUMANITÉ que je suis convaincu de ma propre existence)