vendredi 2 janvier 2009

Quis custodiet ipsos custodes

J'ai fini il y a environ une heure de lire, pour une deuxième fois seulement, Watchmen, qui va être disséqué par mes soins dans les prochains mois, occupera une partie important de mon mémoire de maîtrise, et qui est possiblement la meilleure bande dessinée de tous les temps (ou en tout cas dans le top 5, peu importe mes humeurs du jour).

Watchmen, c'est la bande dessinée de-super-héros-qui-n'est-pas-vraiment-une-bande-dessinée-de-super-héros, le roman-graphique-qui-a-pas-porté-ce-nom-là-en-partant-mais-qui-est-devenu-le-roman-graphique-le-plus-important.
C'est la BD qui a mérité un prix de littérature (le Hugo) avant même que Maus soit nominé pour un Pulitzer. Et, au risque de me répéter, c'est la meilleure bande dessinée de tous les temps.

Quand des gens non-initiés au 9e art me demandent des suggestions de BD (ce qui arrive très souvent), je commence généralement par des trucs plus mainstream et récents: Shenzen et Pyongyang de Guy Delisle, City of Glass (parce que glisser le nom de Paul Auster dans une phrase, ça en jette...) Quelques Pelures de Jimmy Beaulieu, du Dan Clowes, Blankets de Craig Thompson, du Tomine aussi. J'ai déjà dit à quelqu'un de lire Persépolis, mais je le regrette. mais je ne suggère jamais ce qui sont pourtant deux de mes BD préférées, soit Jimmy Corrigan et Watchmen.

Jimmy Corrigan, quiconque l'a lu (ou s'est essayé) sait que c'est une lecture très exigeante, et complètement décourageante pour les débutants. En plus, faut vraiment accepter de s'arracher les yeux pour en venir à bout. Ou s'acheter une loupe.

Dans le cas de Watchmen, c'est que c'est un peu plus gênant d'en parler en public... Déjà que je dois affronter le scepticisme des gens à qui j'apprends que je fais une maîtrise en études littéraires sur la BD, leur dire d'aller lire une BD avec des personnages costumés, disons que ça n'aiderait pas mes chances d'être convaincant... Le dessinateur, Dave Gibbons, fait du bon boulot, mais dessine comme un dessinateur de comicbooks de super-héros, ce qui est parfaitement logique et conséquent avec Watchmen. Quand on le feuillette, Watchmen ne semble pas se distinguer de n'importe quel X-Men ou She-Hulk.

Mais Watchmen n'est pas que pour les fanboys. Il est évident que les lecteurs ayant déjà trempé dans les univers de super-héros pourront mieux comprendre les allusions aux univers de Marvel et DC, mais même quelqu'un qui ne sait pas comment Spider-Man a obtenu ses super-pouvoirs et qui persévère jusqu'au 3e chapitre de Watchmen comprend rapidement que nous sommes loin de l'univers manichéen et boniche des aventures pour enfants. Watchmen déconstruit la figure du super-héros plus savamment et finement que ne l'a fait Frank Miller en faisant de Batman un psychopathe sadique et fasciste dans The Dark Knight Returns.

En fait, Watchmen propose une lecture tellement riche que je vais en traiter dans trois communications différentes d'ici le mois de juin: à l'aune de l'utopie, de la figure du livre et de la violence. Et il en resterait encore beaucoup à dire.

En terminant, la citation en latin qui fait office de titre à mon blogue est celle qui se trouvait en épigraphe de la Commission Tower de 1987, qui a essayé de tirer au clair l'affaire Contra dans laquelle Ronald Reagan a trempé. Elle est reprise en excipit de Watchmen, et fournit elle-même une des questions fondamentales posées par l'ouvrage, qui déborde les limites de l'univers créé par Alan Moore et Dave Gibbons, à laquelle nous devrions essayer de répondre plus souvent:

WHO WATCHES THE WATCHMEN?

(avant que vous ne me le demandiez, je suis plus convaincu du fait que l'adaptation de Watchmen en film faite par Zack Snyder, le réalisateur de 300 - quel défi! - sera LA PIRE ADAPTATION DE L'HISTOIRE DE L'HUMANITÉ que je suis convaincu de ma propre existence)

Aucun commentaire: